Entre la Loire et la Seine, sur la côte maritime de la Bretagne, on trouve des ruines de villes et des travaux considérables que les flots de la mer ont détruits d'une façon spontanée et que les temps anciens n'ont pas enregistrés dans leurs annales.
Tous ces bouleversements datent d'une époque fort reculée et qui remonte bien certainement à plus de dix à douze mille ans. Surtout quand on remarque le temps considérable qu'il faut aux flots de la mer pour ronger et détruire des roches granitiques, comme dans la baie de Douarnenez par exemple, où l'on est assuré qu'il y avait autrefois plusieurs villes ou au moins une très grande ville qui occupait tout l'espace compris entre la pointe de la Chèvre jusqu'à la baie d'Audierne ; les traditions indiquent aussi que la grève qui s'étend de Penmarc'k au Raz et du Raz jusqu'à l'île d'Ouessant était couverte de cités. Ce qui permet de dire que les grandes fractures du globe survenues à la suite du déluge ont anéanti la ville d'Is et tous les monuments druidiques dont on voit encore une partie à la pointe de Penmarc'k à 4 m, 50 environ au fond de l'eau aux marées d'équinoxe, et cela jusqu'à 4 et 5 kilomètres en mer.
On est aujourd'hui assuré que les ruines de Douarnenez, de Crozon, du cap de la Chèvre et de Vannes ont été faites à l'époque du grand déluge. Ces cataclysmes nous ont été transmis sur la plage de Douarnenez par la légende de Gralon ; à Cadix, par celle du voyage de l'Hercule Celtique d'Og-mi.
Une légende celtique nous apprend qu'à la pointe de l'île de la Chèvre il existait une ville dénommée Is, gouvernée par le roi Gralon, lequel roi avait une fille unique nommée Dahu qu'il adorait. Or, le faste, le luxe et la débauche régnaient en souverains dans l'opulente cité de Gralon, et sa fille n'était pas des moins dépravées parmi les belles femmes d'Is. Gralon gémissait des débordements de sa chère fille et de son peuple et priait Dieu de leur ouvrir les yeux ; mais ce fut en vain. Aussi, un jour, le soleil s'éclipsa et une comète avec une immense queue parut à l'horizon ; c'était le présage d'une catastrophe imminente. Or, la nuit même de ce jour, Dahu présidait un superbe banquet qu'elle offrait à mille convives. La princesse donna la signal de la fête, en vidant d'un trait une grande coupe ou Hanap de Cervoise (sorte de bière) ; puis, saisissant un coutelas de chasse, elle se mit à découper un énorme élan, puis un sanglier et deux marcassins ; le fumet de ces victuailles réjouissa fort l'odorat des convives, flatta leur palais et excita au plus haut point leur énorme et vaste appétit.
Mais à peine le festin fut-il commencé que les éclats de voix des convives firent résonner le palais de Gralon ; en même temps tous ces débauchés entendirent dans les premiers plans de l'Astral des voix sinistres ; la terre trembla, les convives quittèrent affolés la salle du festin, se précipitèrent dans les sentes, les rues et les chemins dans lesquels régnait une obscurité si profonde, une nuit si noire, que l'on ne pouvait voir au ciel briller "le chemin de l'hiver".
L'éclair seul déchira la nue, le tonnerre gronda, l'orage s'amoncelât et éclata bientôt en versant sur la ville d'Is de tels torrents d'eau, qu'elle disparut bientôt avec tous ses habitants.
Gralon, malgré sa vieillesse, rassembla à la hâte tout ce qu'il avait de plus précieux, et il plaça, avec ce trésor, sa fille sur un coursier fougueux qu'il monta lui-même pour en diriger la course, mais le flot, plus agile encore que le fougueux animal, lui arracha son fardeau et l'engloutit dans un immense tourbillon.
Il semblait dès lors que la Justice divine était satisfaite, car le calme revint tout à coup, mais la malheureuse cité d'Is, cet immense réceptacle de débauche et d'infamie, resta à jamais englouti sous les eaux, avec un vaste continent.
C'est aujourd'hui la mer Atlantique. Les Bretons de la baie de Douarnenez prétendent voir errer, encore de nos jours, les âmes ou plutôt les doubles éthériques sous la forme de corbeaux ; les malheureux semblent voltiger de roche en roche sur les lieux mêmes où Gralon et sa fille ont anciennement péri.